Gestion des relations presse pour une société savante
Au cours de ma carrière prĂ©cĂ©dente en tant que salariĂ©e, j’ai occupĂ© la fonction de responsable du pĂ´le presse pendant 6 ans.
Cette Ă©volution professionnelle a dĂ©coulĂ© d’une promotion interne suite Ă mes 8 annĂ©es d’expĂ©rience en tant que chargĂ©e de communication externe/news editor au sein de la mĂŞme structure.
Cette pĂ©riode a Ă©tĂ© une immersion intense dans le monde exigeant des mĂ©dias, que j’ai traversĂ©e en observant avec attention ma talentueuse collègue, Camilla Dormer (qui a connu une carrière remarquable), tout en collaborant Ă©troitement au sein du mĂŞme comitĂ© de presse – avant le grand plongeon en tant que responsable du pĂ´le presse huit ans plus tard.Â
Je vous livre quelques conseils et anecdotes.
Gestion des relations presse avant et pendant le congrès
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Comment s’articulaient les relations presse avant et pendant le congrès de l’ESC qui attirait Ă cette Ă©poque seulement 28K participants dont 600-700 journalistes du monde entier ?Â
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A ce jour, la SociĂ©tĂ© EuropĂ©enne de Cardiologie (ESC) organise toujours un congrès de cardiologie destinĂ© Ă 35 000 participants, se positionnant comme la date la plus attendue de l’annĂ©e par les professionnels de la santĂ© dans ce domaine prĂ©cis.
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L’ESC organise d’autres congrès s’adressant Ă des sous-thĂ©matiques encore plus pointues (insuffisance cardiaque, Ă©chocardiographie, fibrillation auriculaire et troubles du rythme cardiaque etc.). Ils sont plus niches et attirent moins de participants mais participent Ă la rĂ©putation globale de cette sociĂ©tĂ©.
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Le congrès auquel je me rĂ©fère est nĂ©anmoins l’Ă©vènement-phare de l’annĂ©e, qui a fait la rĂ©putation de l’ESC depuis sa crĂ©ation en 1988.
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OrganisĂ© Ă l’origine par une poignĂ©e de cardiologues bĂ©nĂ©voles sur un coin de bureau, au fil de l’eau et suite Ă l’ouverture de son pĂ´le administratif Ă Sophia Antipolis, ce congrès a pris une telle ampleur qu’il est devenu le plus gros congrès de cardiologie au monde, dĂ©passant depuis des annĂ©es ses concurrents US qui dominaient lorsque j’avais rejoint l’aventure en 1999.
Gestion des relations presse Ă Munich en 2012
- Cette courte étude de la gestion des relations presse porte sur le congrès 2012 ayant eu lieu à Munich en Allemagne
Objectifs-clé
- Les principales dĂ©couvertes ont Ă©tĂ© rĂ©sumĂ©es dans ce communiquĂ© qui a Ă©tĂ© diffusĂ© par le bureau de presse Ă la clĂ´ture de l’Ă©vènement.
- L’objectif Ă©tait d’attirer les principaux mĂ©dias (jusqu’Ă 700 sur place, sans compter les milliers de followers en ligne) afin de maintenir et amĂ©liorer la notoriĂ©tĂ© du congrès mais Ă©galement la marque ESC.
Sous-objectifs
- Les sous-objectifs Ă©taient de :
- GĂ©nĂ©rer une couverture mondiale (mĂ©dicale, grand public, Ă©conomique, financière et spĂ©cialisĂ©e) pour les messages scientifiques, de prĂ©vention et institutionnels de l’ESC.
- Organiser des confĂ©rences de presse et remplir les salles, promouvoir les leaders d’opinion et garder le titre de rĂ©fĂ©rence ultime en cardiologie.
- Choisir des sujets dignes d’intĂ©rĂŞt Ă©manant du programme scientifique du congrès, adaptĂ©s Ă diffĂ©rents mĂ©dias.
- RĂ©diger des communiquĂ©s de presse ciblant certaines Ă©tudes plus susceptibles d’Ă©veiller l’intĂ©rĂŞt de la presse, sĂ©lectionner et former les meilleurs porte-paroles pour commenter les Ă©tudes prĂ©sentĂ©es, et fournir une assistance sur place pour aider les journalistes dans leur travail.
Etapes Ă franchir
- Pour atteindre ces sous-objectifs, voici une liste d’Ă©tapes qu’il fallait franchir :
- Sélection des médias basée sur le programme scientifique. Nous étions assistés par une équipe de cardiologues bénévoles et de rédacteurs médicaux freelance (constituant le comité de presse).
- CrĂ©ation d’alertes mĂ©dias de type « Save the date » et invitations envoyĂ©es aux mĂ©dias
- Accréditation après un check rigoureux des cartes de presse et autres preuves tangibles et vérifiables afin de filtrer les indésirables.
- Coordination d’un dossier de presse contenant tous les communiquĂ©s de presse, biographies et point de contact des porte-paroles, photos, fiches d’information, documents de fond destinĂ©s Ă faciliter le travail en amont du journaliste.
- Coordination de 12 conférences de presse (4-5 intervenants, 2 modérateurs, 2 portes-parole par conférence de presse).
- Logistique pour la zone permettant aux journalistes de travailler sur place. Celle-ci était prévue pour 700 journalistes (informatique, audiovisuel, installation, signalétique et image de marque, hôtesses, restauration, etc.).
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Chaque dĂ©tail comptait. Il ne fallait pas oublier la « cream » d’une des journalistes US qui ne buvait pas son cafĂ© noir, sinon on frĂ´lait le drame. L’autre point de douleur Ă©tait souvent le wifi, parfois fluctuant malgrĂ© l’acharnement du service IT Ă le rendre aussi rapide qu’au bureau. Ce point de dĂ©tail Ă©tait incroyablement important pour permettre aux mĂ©dias les plus performants de publier leur papier avant la concurrence.
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- Gestion de crise sur place si besoin. Cela est arrivĂ© quelques fois mais ma pudeur m’empĂŞche de vous raconter le best of. Peut ĂŞtre que je m’y mettrai dans quelque temps, sans mentionner les vrais noms pour prĂ©server l’intimitĂ© des personnages frauduleux partis vendre des T-shirts aux Bahamas.
- Suivi post-congrès ce qui comprenait surtout les demandes de journalistes (y compris ceux qui avait tout ratĂ© sur place, mais voulaient une part du gâteau) et monitoring des retombĂ©es pendant plusieurs mois.Â
Retombées médiatiques exceptionnelles
Le rĂ©sultat direct de ce travail intense (mars Ă fin aoĂ»t) Ă©tait une couverture mĂ©diatique exceptionnelle Ă l’Ă©chelle internationale et locale.
- Ces articles constituaient une rĂ©fĂ©rence de taille pour toute personne cherchant Ă vĂ©rifier la lĂ©gitimitĂ© ou notoriĂ©tĂ© de l’Ă©vènement.
- Tout comme le rĂ©fĂ©rencement naturel, l’avantage des articles en ligne est qu’ils restent en ligne – ce qui permet d’avoir une publicitĂ© « gratuite » Ă l’annĂ©e.
- Nous avons d’ailleurs souvent essayĂ© d’expliquer ce principe de « publicity value » Ă des personnes qui trouvaient que notre budget presse Ă©tait trop Ă©levĂ©.
- Tout comme le SEO 🙂 – c’est un investissement sur du long-terme avec des rĂ©sultats qui ne sont pas Ă©phĂ©mères comme l’est la publicitĂ©.
- Car, in fine, les retombĂ©es mĂ©diatiques ont un impact, une aura, un pouvoir de persuasion bien plus positifs et longue-durĂ©e que n’importe quelle forme de pub en ligne ou de pub tout court.
Retombées médiatiques mondiales
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- Presse médicale spécialisée (theheart.org, MedPage Today, Medical News Today, TCTMD, etc.)
- Presse grand public (Daily Telegraph, BBC, Le Figaro, Huffington Post, Los Angeles Times, Examiner, Associated Press, ABC News, Time, Le Point, etc.)
- Presse économique et financière (Reuters, Bloomberg, Business Week, Forbes, etc.)
- Presse locale (Süddeutsche Zeitung, Münchner Merkur, Tageszeitung, Abendzeitung, Augsburger Allgemeine, Bunte, stations de télévision et de radio, etc.)
Pourquoi tout miser sur ce congrès en tant que mĂ©dia ?Â
- En tant que ex Marcom devenue responsable mĂ©dias, j’ai toujours trouvĂ© incroyable que le bureau presse de l’ESC rĂ©ussisse Ă attirer jusqu’Ă 650-700 journalistes chaque annĂ©e. Pourquoi un tel engouement pour un sujet aussi niche?Â
- J’imaginais les discussions tendues entre journalistes et Ă©diteurs aux USA ou en Asie pour obtenir un budget pour passer cinq jours sur place en Europe.
- Les plus petits médias devaient batailler sans relâche car il fallait compter le coût et temps alloué au voyage.
- En effet, les mĂ©dias se dĂ©plaçaient chaque annĂ©e dans toutes les capitales EuropĂ©ennes choisies par l’ESC. Le coĂ»t de la vie n’Ă©tait pas le mĂŞme Ă Barcelone ou Stockholm.
- Pourquoi cet investissement? Parce qu’ils savaient qu’ils auraient assez de matière pour crĂ©er des articles lus pendant des mois grâce Ă la solide rĂ©putation de cette sociĂ©tĂ© savante.
- RĂ©putation, qui elle mĂŞme avait Ă©tĂ© obtenue – en partie – par les mĂ©dias prĂ©sents les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes qui couvraient le sujet en long et en large, donnant ainsi un maximum de crĂ©dibilitĂ© Ă l’association. La boucle Ă©tait donc bouclĂ©e.
Il n’y pas que les Grammy Awards dans la vie!
- Leur prĂ©sence Ă©tait offerte (pas de frais d’inscriptions, impressions et cafĂ© et lunch Ă volontĂ© !) en revanche ils devaient payer leur propre voyage et fournir des preuves de leur lĂ©gitimitĂ©.
- Sur place, ils essayaient de participer Ă un maximum des 12 confĂ©rences de presse et utilisaient Ă©galement tous les communiquĂ©s de presse qui couvraient d’autres Ă©tudes hors confĂ©rence. Environ 70 quand mĂŞme !
- Ils faisaient aussi leur propre shopping dans le programme scientifique, toujours Ă l’affĂ»t de LA dĂ©couverte scientifique qui allait tout chambouler.
D’ailleurs lors de mon tout premier congrès en 2001, le service presse avait totalement loupĂ© le coche en ne couvrant pas le sujet des « drug-eluting stents » qui allaient pourtant rĂ©volutionner la cardiologie telle que nous la connaissons aujourd’hui. C’est toujours plus amusant avec du recul (petite prĂ©cision, j’Ă©tais encore Ă la comm externe oĂą j’ai fait pas mal de boulettes Ă©galement, je vous rassure…)
- Notre travail le plus crucial sur place Ă©tait de leur fournir des porte-paroles indĂ©pendants (non liĂ©s Ă l’Ă©tude prĂ©sentĂ©e) afin de leur permettre de pouvoir Ă©quilibrer leur article Ă travers diffĂ©rents commentaires/angles.
- En tant que « press staff », il Ă©tait extrĂŞmement gratifiant d’arriver Ă convaincre les porte-paroles au titre ronflant de Key Opinion Leaders (qui Ă©taient très pris par ailleurs au congrès) d’ĂŞtre interviewĂ©s.
- Les jeunes cardiologues inconnus Ă©taient faciles Ă persuader (« you will know fame thanks to this article! ») mais les super-experts mondialement connus n’avaient plus besoin de gros titres de presse pour exister ou briller, donc les convaincre n’Ă©tait pas simple.
Les journalistes les appelaient « les rocks stars » en off.
- La récompense ultime et le « icing on the cake » était bien sûr de pouvoir ensuite lire les citations dans les articles de presse et avoir ce sentiment de travail accompli.
- Cette petite fiertĂ© personnelle de se dire qu’on avait contribuĂ© Ă cette citation qui serait lue par des milliers voire des millions de paires d’yeux. Le moment mytho !
- En fait, ce poste de relations presse est typiquement un travail de l’ombre. Votre action est essentielle mais c’est la parole de la rock star et la plume du journaliste qui seront retenus – ainsi que le scoop, si le journaliste arrive Ă publier avant les autres et avoir la primeur de l’info.
- Néanmoins, certains journalistes, même de renom, ont su montrer leur appréciation.
- Deux exemples qui m’ont tellement touchĂ©s que je les partage dans cet article aujourd’hui.
Un tweet mĂ©morable et un message d’Associated Press
I do everything I can to make their life miserable…
- Ce tweet avait fait la une de la homepage de l’ESC, dĂ©montrant la reconnaissance lĂ©gèrement sarcastique d’un des journalistes qui revenait chaque annĂ©e et avait… BEAUCOUP de questions Ă nous poser…Â
Rare to find a communications officer like Celine
- Voici le message de Maria Cheng, rĂ©dactrice mĂ©dicale, Associated Press (l’Ă©quivalent de notre AFP) qui m’a d’ailleurs aidĂ©e Ă obtenir le rĂ´le de responsable.
- En effet, au dĂ©part je m’occupais de la communication externe Ă l’annĂ©e, et prĂŞtais main forte au service presse en tant que coordinatrice des portes-parole pendant les congrès.
- J’aidais aussi le reste de l’annĂ©e entre deux recrutements.
- J’ai obtenu ce rĂ´le en apprenant la gestion des relations presse entièrement sur le terrain et en observant de près les diffĂ©rentes attachĂ©es de presse qui ont dĂ©filĂ© au bureau presse de l’ESC.
« Despite the very hectic ESC conferences, Celine always made sure to respond to my (and other journalist) queries as quickly as possible, lining up various spokespeople on a variety of topics and making sure I had all the expert comment I needed.
For papers scheduled for release, she would often have spokespeople ready to comment before I or other journalists had even made the request, ensuring we would get ESC comment into our stories.
Having attended numerous medical meetings, it is rare to find a communications officer like Celine who can prioritize requests and respond quickly and efficiently to journalist demands, especially during a meeting where there are hundreds of journalists and competing queries. (…)
Beyond ESC conferences, I have also found Celine to be very responsive to my queries by email on other cardiology stories, and she has been very helpful in tracking down authoritative sources for me to interview.
She has always been able to find me someone to speak to me before my deadline, ensuring that I could include ESC spokespeople in my articles (…)Et, oui, les deadlines, on connaĂ®t et on comprend quand on travaille dans l’urgence en permanence.